jeudi 8 avril 2010

Grève et leadership

J’imagine que la grève doit être bien différente dépendamment qu’on la subit ou qu’on la fait. Pour ma part, je ne l’ai jamais fait. Il m’aurait d’ailleurs été difficile de la faire. Je ne fais pas partie d’un groupe reconnu pour s’y adonner; je suis ingénieur. Je ne m’en plains pas; ni de la grève, ni le fait d’être ingénieur.

Jamais fait mais j’aurais pu. L’une des fois où j’aurais pu faire la grève, j’étais étudiant au CEGEP. Mais à l’époque, je ne voyais pas la pertinence de sortir dans la rue. Mon désir était de passer le plus vite possible à l’université. Lorsque tu fais un retour aux études, tu n’as pas de temps à perdre. À mes yeux, la grève proposée n’était qu’une perte de temps. Ce qui me fait dire que même si cette fois-là je faisais partie du groupe qui voulait la faire, j’ai eu l’impression de la subir.

Je subissais la grève et peut-être d’autant plus que je ne voyais pas sa pertinence. Encore moins pertinente lorsque je me suis mis à y réfléchir. Encore moins pertinente lorsque j’ai pensé que tout ça n’était que confrontation au lieu de collaboration. Si vous y portez attention, peu importe les grèves, vous constaterez qu’effectivement, ce n’est que de la confrontation.

Confrontation de deux groupes campés sur leurs positions. Confrontation de deux groupes convaincus de leurs arguments. Confrontations de deux groupes qui ne veulent rien entendre de ce que l’autre a à dire. Confrontation, à la limite, comme si la vie était blanche ou noire. Comme si l’un était le bien, et l’autre était le mal. Lorsque tu es dans le mode bien et mal, c’est là que les stratégies de dénonciation s’entourloupent à qui mieux mieux. À la vie à la mort!

Cela dit, je comprends les étudiants de l’Université de Montréal qui subissent la grève des chargés de cours depuis maintenant près d’un mois et demi – la grève a été déclenchée le 24 février. Je comprends leurs craintes face aux menaces d’annulation des cours auxquelles fait référence l’Université de Montréal. Perdre une session, c’est souvent perdre une année. Il n’y a pas argument plus massue. À la guerre comme à la guerre!

Évidemment, lorsque je pense à la grève, je pense au leadership. En fait, je pense à l’évidence plus qu’autre chose. L’évidence, c’est l’inutilité de croire au leadership dans un environnement où il y a, où il y aura, où il y a eu la grève? Comment y croire ou si vous préférez, pourquoi y croire? Comment ou pourquoi? En fait, je vais vous l’avouer car c’est beaucoup plus simple; ça ne sert à rien d’y croire.

Ça ne sert à rien d’y croire ni même d’y penser; le leadership n’a rien à voir avec la confrontation. Il est inutile de penser mobiliser les équipes par le leadership si au sein de l’organisation, il n’y a que confrontation. C’est important d’en prendre conscience. Du moins, ça évite de perdre son temps.

Le leadership, ça commence par l’environnement. Ça commence par ce que j’appelle la Culture du leadership. Si l’un et l’autre préfèrent confronter au lieu de collaborer, oubliez le leadership.

Je sais que c’est populaire le leadership. Tout le monde en parle. Tout le monde en veut. Tout le monde a son mot à dire sur le sujet. Mais lorsque je regarde la grève à l’Université de Montréal. Lorsque je regarde les parties qui s’affrontent sans réellement prendre en considération les conséquences que leurs positions font subir aux étudiants, je pense à l’évidence.

L’évidence, c’est que la grève et le leadership, ça ne va pas ensemble.

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12 commentaires:

  1. Moi, j'ai vécu quelques grèves et plusieurs négociations comme militante syndicale. Et, si nos dirigeants avaient été de véritables leaders (écoute, vision à long terme, etc.) nous n'aurions pas été obligé de manifester. La grève est le moyen ultime qui malheureusement est encore nécessaire aujourd'hui malgré la fragilité et la perte de pouvoir des syndicats. Quel sujet passionnant n'est-ce pas ?

    Marie-Andrée Desmeules, retraitée, abonnée à vos écrits toujours intéressants

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  2. Bonjour Marie-Andrée,

    Sujet passionnant? Je crois que cela dépend de l’angle par lequel on l’aborde.

    Cela peut être passionnant de dénigrer l’autre en l’accusant de ne pas être un véritable leader. Et que si cela avait été le cas, on n’aurait pas été obligé de manifester. Cela peut être passionnant dans le cadre d’une confrontation. Je tente au meilleur de mes connaissances de ne pas adhérer à cette passion.

    Je serais curieux d’en savoir plus sur la perte de pouvoir des syndicats à laquelle vous référez. Comment un syndicat peut-il perdre du pouvoir? Par le fait qu’il a de moins en moins de monde qui y adhère? Par l’arrivée de l’obligation des services essentiels? Ces derniers ne seraient-ils pas une forme d’obligation à la collaboration?

    Confronter au lieu de collaborer, un sujet effectivement passionnant.

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  3. Francois Lacombe8 avril 2010 à 17:12

    C'est un beau texte, mais au final, de quoi parlez-vous? J'ai l'impression que je viens de lire un billet sur la physique théorique, où on explique comment se comportent différentes choses dans une situation purement théorique.

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  4. Bonjour Monsieur Lacombe,

    Je m'excuse pour le retour de l'ingénieur dans mes textes. En résumé, je parle de l'importance de collaborer si on veut du leadership.

    À ma façon, je conclus que malheureusement, plusieurs préfèrent contrôler.

    Merci d'apprécier la qualité de mon écriture.

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  5. Bonjour,

    Les conflits dans le secteur public portent une grande dimension politique. Et malheureusement, la confrontation est inévitable, elle est même permanente; pas nécessairement à l'Université, mais dans la vision de société.

    Et finalement, ils ont une entente qui doit être approuvée mais l'Université va restée déficitaire.

    http://argent.canoe.ca/lca/affaires/quebec/archives/2010/04/20100409-063608.html

    Cependant comment voulez-vous être un bon leader, quand vous ne commencez pas par montrer l'exemple ?

    http://www.ledevoir.com/societe/267760/universite-de-montreal-les-hauts-cadres-s-enrichissent-malgre-le-deficit

    Alors, ensuite, on veut faire croire à la population que les universités sont sous-financées. Peut-être bien, mais il y des dépenses qui sont faites et pas mal... Le leadership devrait peut-être venir d'ailleurs, s'il ne vient pas des universités. Autonomie mais déficits après déficits ?

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  6. Francois Lacombe10 avril 2010 à 08:53

    M Lanthier, bien sûr, j'avais compris que vous parliez de l'importance de collaborer plutôt que de contrôler. Mais nulle part vous ne dites comment. C'est pour ça que ça m'a l'air très théorique comme exposé. Il ne suffit pas de souhaiter pour que ça se passe ainsi. S'il y a une grève, c'est parce que de part et d'autres, il y a des motifs que certains jugent légitimes pour ne plus collaborer! Il y a toujours un moment où un des deux côtés juge que les demandes de l'autre sont déraisonnables. Alors juste de dire qu'il faut juste "collaborer" est plutôt théorique. Jusqu'où, jusqu'à quand?

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  7. Bonjour Monsieur Lacombe,

    Je suis d’accord avec vous, je ne donne pas de marche à suivre. Ce n’est pas mon intention. Des marches à suivre, il y en a plein les bibliothèques. Il y a plein de livres qui proposent des choses à faire et ne pas faire.

    Lorsqu’on s’arrête pour regarder autour de soi, on comprend alors que le problème n’est pas de savoir quoi faire. Le problème est d’avoir le goût de le faire. C’est pour le goût de le faire que j’écris. La majorité de mes chroniques vont en ce sens.

    Personnellement, je ne m’intéresse pas aux mots ou si vous préférez, les modes d’emploi. Je m’intéresse à l’essence des mots, le sens, l’idée, la philosophie, les valeurs. C’est là que le leadership se développe.

    Le leadership, ce n’est pas un mode d’emploi. C’est un état d’être. Et en ce sens, peut-être que mes textes semblent théoriques. Quoique personnellement, j’opterais pour dire qu’ils sont en partie philosophiques.

    Mon but n’est pas de dire aux gens quoi faire. Mon intérêt est de faire prendre conscience que ce qu’on fait n’est pas la chose à faire pour avoir du leadership. En ce sens, je propose à mes lecteurs des prises de conscience.

    Vous me demandez jusqu’où, jusqu’à quand? Et si je vous répondais jamais! Une expression anglaise résume bien cette réponse : Failure is not an option. La grève n’est pas la solution.

    Lorsqu’on enlève de son esprit une possibilité – la grève dans ce cas -ci, nous travaillons pour trouver une autre solution. Encore une fois, les anglophones ont une belle expression pour ça : Think out of the box. Il faut parfois changer nos paradigmes pour trouver des solutions.

    Revenons maintenant à la grève des chargés de cours. Ils vont voter demain sur l’entente de principe. Donc, une solution était possible. Pourquoi ont-ils eu besoin de 6 semaines de grèves pour arriver à cette solution?

    Pourquoi dès le départ ne se sont-ils pas dit, nous n’avons pas le choix, nous devons trouver une solution?

    Bien sûr que l’on peut répondre, «Oui mais l’autre partie ne voulait pas écouter» et ci et ça. Pourquoi ne pas avoir dit, «Ok, on a un différent mais on n’a pas le choix, il faut trouver une solution. L’éducation de milliers d’étudiants dépend de nous. Allez, on n’a pas le choix. Il n’y a pas d’autres alternatives que de trouver une solution.»

    Je sais qu’il est tentant de dire que tout ça est théorique ou trop philosophique. Pour ma part, je crois qu’une fois qu’on a compris l’idée, on s’assoit et on fait les efforts nécessaires pour s’entendre avec l’autre.

    Comment faire pour s’entendre avec l’autre? De la même façon qu’ils l’ont fait 6 semaines après avoir déclenché la grève. Ils auraient pu se mettre la même pression sur les épaules sans faire la grève. Tout ça n’est qu’une question de valeurs, de principes et de croyances.

    Merci de votre question

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  8. Francois Lacombe10 avril 2010 à 22:58

    Vous me demandez jusqu’où, jusqu’à quand? Et si je vous répondais jamais! Une expression anglaise résume bien cette réponse : Failure is not an option. La grève n’est pas la solution.


    Et pourquoi la grève ne serait pas une option? Vous n'en avez pas fait la démonstration. Employeur et employés sont rarement deux parties aux pouvoirs parfaitement égaux. L'un et l'autre ne sont pas non plus deux parties également rationnelles, également conciliantes, également coopératives.

    Pourquoi les chargés de cours voteront-ils demain? Parce que l'employeur n'avait plus le choix: quelques jours de plus, et il avait des millions de dollars à rembourser en frais de scolarité. Il a donc été obligé d'être coopératif. Pourquoi les deux parties ne l'ont-elles pas été dès le début? Parce que nous ne vivons pas dans un monde idéal, où tout le monde serait parfaitement rationnel, coopératif, conciliant, collaboratif.

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  9. Rebonsoir monsieur Lacombe,

    En ce qui concerne les démonstrations, cela ne fait pas partie de mes croyances. Si l’humain n’accomplissait que des choses pour lesquelles il a des certitudes, nous serions encore à vivre dans une caverne.

    L’innovation et l’évolution se concrétisent à même l’incertitude. Attendre les démonstrations, c’est comme tourner en rond. Attendre les démonstrations, c’est une excuse pour perpétuer le statu quo. Attendre les démonstrations, c’est avoir peur de son propre jugement.

    Vous parlez d’un monde idéal, je vois plutôt un monde différent. Je vois un monde conscient. Conscient de soi, de lui, de l’autre. Un monde qui graduellement, prend conscience que son avenir se trouve là où on pense «out of the box».

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  10. François Lacombe12 avril 2010 à 11:31

    Evidemment. Mais peut-être que c'est vous qui refusez de penser '"out of the box" lorsque vous prétendez que la grève ne doit jamais être une option? Il serait normal de penser qu'il y a BEAUCOUP d'options auxquelles vous n'avez pas pensé. Prétendre qu'une chose n'est JAMAIS une option, c'est se fermer des portes.

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  11. Le penser «out of the box» que je propose, c'est peut-être se fermer UNE porte. Mais c'est le faire en étant conscient qu'ainsi, on se permet d'explorer une multitude d'autres portes.

    Je propose de penser «out of the box» parce que la grève, c'est peut-être UNE porte trop facile à prendre!

    Merci de votre échange

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  12. Bonjour M. Lanthier,

    Je fais partie d'un syndicat d'ingénieurs (!)

    Premièrement, j'aimerais vous souligner que depuis que le Québec s'est doté de lois protégeant de lroit de grève et de lois anti-briseurs de grèves, notre province en subit moins que les autres juridictions, elles ne sont plus violentes et étrangement ne donne pas un avantage économique supérieur non plus. Par contre, celà a forcé les employeurs et les syndicats à mieux collaborer.

    Maintenant, je ne crois pas qu'il y a d"évidences" à en tirer à part des idées préconçues sur les relations de travail.

    Par exemple, votre argumentaire qui utilise les grèves étudiantes est boîteux puisque ce ne sont pas des grèves de relation de travail et que les étudiants n'ont pas de réel levier dans ces cas.

    Aussi, j'aimerais attirer votre attention sur le pendant d'une grève, le lock-out. Par exemple, ceux que M. Péladeau pratiquent sont dénoncés même par le milieu patronal, alors...

    Le leadership dans les relations industrielles c'est d'être de bonne foi, de communiquer et de mettre en place toute mesure ou compromis raisonnable pour éviter l'arme de la grève ou du lock-out.

    Lorsqu'une grève ou un lock-out est décrété, il y a un manque de leadership d'un côté ou de l'autre, mais aussi souvent des deux côtés.

    S.Blais

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